Pourquoi lui ?

« Au fil des salles et des époques il y a toujours chez Tonio, un fil conducteur (cassé, grossi, exagéré, déplacé, gribouillé, raturé etc) mais toujours identifiable. Ce qui donne à sa recherche et à son évolution, un tronc commun dans une perpétuelle innovation.

La peinture de Garcia-Mulet a des envolées de signes, des claquements de castagnettes des heurts de talons sur le parquet du tablao.   Sa peinture est une peinture qui parait joyeuse, enlevée, enthousiaste, qui apporte un certain souffle chez ceux qui la regardent  mais, qui en fait,  peut être violente, en colère.  Comme pour le flamenco, on regarde on admire on s’enthousiasme. On se colle à son rythme. Pourtant, les paroles sont souvent dures qui ne sont pas traduites. Le tragique se mêlerait alors au noir, au rouge au bleu vif de la robe, à celui du châle… au pinceau du peintre. On en retient alors la sonorité,  la voix rauque, la fulgurance et  ses contrastes.»

Valérie Bouchet

Antonio Garcia Mulet

«…D’où qu’on le regarde, d’où qu’on l’approche, une toile de Garcia-Mulet nous raconte un combat. »

Garcia-Mulet est de la génération des peintres qui musardent dans la réalité. Piéton des villes, parce que c’est dans l’écrin des villes que se fait et se défait le destin de l’homme, il est comme beaucoup de ses contemporains un citadin pressé ; et c’est dans la hâte que la ville lui offre les miettes de sa réalité éclatée… C’est dans le quotidien que s’écrit l’épopée de l’imaginaire. Garcia-Mulet mène son œuvre comme l’écriture de sa propre vie.

Près d’une école primaire de son quartier, il remarque un jour le dessin, à la craie, d’une silhouette de Mickey dotée à la fois de toute la ressemblance qui permet une immédiate identification, et de cette liberté de transcription qui est le signe de l’urgence. Il entre dans la qualité du graffiti d’avoir cette légèreté d’énoncé qui entraine moins une maladresse qu’un certain « gauchissement » ; qui est un style. Toute la différence entre le graffiti et le tag d’aujourd’hui ; c’est que le premier est un langage de l’urgence, nécessairement clandestin, furtif, presque honteux, alors que le tag est l’appropriation d’un espace par la répétition lancinante du même signe, et qu’irrésistiblement il évoque celle d’un animal délimitant son champ d’activité en levant la patte.

GM est sensible au graffiti, comme il l’est à l’écriture, non pas au sens des mots, mais au mouvement de la plume qui trace son chemin d’encre, danse, se noue et se dénoue sur la page, en signes, en rythmes, qui sont ceux d’une sensibilité ouverte, écorchée, vibrante. Le signe sans signification n’est –il pas le sismographe d’une âme qui s’embrase.

Mickey vu, admiré, est adopté. GM le projette dans la dynamique de son destin, …il subsiste dans le dessin, mais comme arraché à son identité narrative, pour devenir un signe récurent, d’alerte et de complicité…

…L’évolution de Garcia-Mulet passe par le signe sans cesse repris comme armature de l’espace Il l’invente à la mesure de sa propre respiration. C’est un des traits spécifiques de son œuvre que de  donner au signe les pouvoirs d’un organisme qui a sa vie propre… »

Jean-Jacques Lévêque, mars 1995.

Extrait de Cimaise septembre-octobre 91